jeudi 28 février 2008

Première journée :

Température : -17°C à 8h00, il neige.
Lever tardif, décalage oblige, après avoir fais le tour de l’entreprise pour saluer tout le monde, j’ai donné un coup de main à Jérémie CRUAUD (ancien collègue de bac pro qui travail à Icy Waters depuis septembre) à tirer le filet dans l’étang de production. Là, première découverte avec les inconvénients du froid. Près de une demi-heure pour défaire deux demi-clefs sur une corde mouillée et gelée. L’après midi, équipé d’un pantalon de ski, grosse chaussure, guêtres, polaire et veste en coton huilé, j’ai affronté la chute de neige pour aller observer les traces fraîches dans la poudreuse. Surprise, il n’y a que 50 cm de neige, mais d’une qualité irréprochable. Pas croûtée, poudreuse, légère à souhait malgré les trois mois depuis les premières chutes de neige. De quoi vous dégoûter de la neige dure et plaqué que nous rencontrons chez nous. Juste à regretter une paire de raquette. Des traces, c’est un festival, un zoo, … Entre les milliers d’écureuils, les lièvres, les loups (ou coyotes ou chien j’en sais de rien) (houps c’est du savoyard ça ! non ?), les élans (mooses), et autre… Il n’y a même plus la place de poser ses propres pieds. Un élan hurle dans un marais voisin, où je réalise un affût pendant près d’une demi-heure. D’élan que nenni, mais je me suis fait attaquer par les deux écureuils du coin qui se sont tus qu’après mon départ. Je ne suis pas allé tenter de voir l’élan de trop près non plus. Déjà que le brame d’un cerf c’est plus qu’impressionnant vous imaginer celui un individu trois fois plus gros. Mais ce n’est que partie remise.
Jérémie m’a annoncé que ce week end au programme c’est expé en chien de traîneaux avec pierre de Fish Lake et guillaume. A suivre… C’est pierre qui organise. C’est bien le problème. Il est super compétant (guide de chien de traîneau) hyper sympa, mais pas fiable. En tout cas ça me tarde de remonter là haut à Fish Lake revoir Kluane (voir un été au pays des grizzlys), Hingabrite, Guillaume, le Suisse (j’ai oublié son nom)… et surtout ce lieu plus que magique. C’est même plus beau que la Giettaz, ou presque.
A +, Matthieu.

les premieres heures a whitehorse

Après avoir réalisé en courant la correspondance de Calgary où je devais dédouaner, récupérer mes bagages, réenregistrer, obtenir mon visa et le tout en moins d’une heure ; j’ai dormi pendant plus de trois heures à Vancouver en attendant l’avion pour whitehorse. Dans ce dernier, je me suis endormi avant même le décollage. Et oui cela fatigue plus de trente heures de voyage. En ouvrant les yeux, un peu plus de une demi-heure avant l’atterrissage (au niveau de la frontière entre la Colombie britannique et le Yukon), quelle ne fut pas ma surprise d’apercevoir par le hublot une magnifique aurore boréale. Rêve ou réalité ? Après un instant de flottement j’admirais donc ce magnifique feu d’artifice que la nature m’offrait pour mon arrivé.
A Whitehorse, malgré l’heure tardive Jon (le gérant de l’entreprise) m’attendait devant le tapis de réception des bagages. Dur dur, de tenir une conversation en anglais à une heure du matin et après une trentaine d’heure sans dormir. Par surprise, touts mes bagages sont arrivés à temps. Empilage des trois gros sac sur un trolley, Jon c’est chargé du tube de cannes à pêche et mois un petit sac sur le dos et l’ordinateur à l’avant. Pousser le tout dans trois cm de neige fraîche relevait du travail d’un véritable chien de traîneau, animal en lequel j’avais l’impression d’être réincarné pour la troisième fois de la journée. Et moi qui venais ici pour me faire tirer par des chiens…
Une fois tout chargé dans le gros pick-up blanc direction la Fish Lake road et Icy waters. Au abord de la route, déneigé à ma grande surprise, une multitude de traces d’animaux de tous poils et plumes s’enfonçait dans la forêt. Ce qui me donna donc le programme du lendemain après midi : sortie observation et pistage.
La température et alors de – 10°C.

samedi 9 février 2008

Création du monde selon les Inuits YUPIK :

Au début, il n’y avait rien. Rien que le silence et l’obscurité. Puis un bruissement. Une sorte de musique douce et sourde qui surgit du néant. C’est le bruissement des ailes du Grand Corbeau qui vole dans ce vide infini. Il se met à décrire un cercle, dans les ténèbres, de plus en plus vite de manière a créer un tourbillon derrière lui dans lequel l’obscurité est aspirée. Le Grand Corbeau s’élève. Il laisse la masse sombre tourner et s’enrouler sur elle-même en grossissant. Au bout d’un moment, il se pose sur elle-même pour arrêter son mouvement. Du regard qu’il pose sur l’énorme masse noire, la voici solidifiée. Il reprend son vol, lentement, cette fois, et la masse noire se remet à tourner. Le Grand Corbeau disparaît au bout de la nuit et, là, il donne naissance à une extraordinaire lumière qui se dirige vers la masse noire en allumant, sur son passage, des milliers de points… Les étoiles.
La lumière parvient à la terre et chasse l’obscurité dans laquelle elle était encore plongée. Le Grand Corbeau contemple son œuvre mais, comme elle ne le satisfait pas, il se jette sur la terre et la laboure de ces griffes. Il s’éloigne à nouveau et, du fond de l’obscurité, il fait apparaître une nouvelle lumière, qui traverse la nuit pour devenir soleil. Le Grand Corbeau aurait pu s’en contenter mais une fois de plus, il n’est pas satisfait et, par trois fois, il attaque la terre. Ensuite, il vole autour d’elle qui se pare d’une multitude de couleur : couleur des arbres, des plantes, de l’herbe et de fleurs de toutes espèces. Pourtant, alors que le grand corbeau jouit de son chef – d’œuvre, les couleurs disparaissent et tout devient brun.
Tout est à refaire. Alors, il redescend vers la terre, entraîne avec lui un brouillard dont il enveloppe sa création. Lorsque ce brouillard s’éclaircit, non seulement les couleurs sont revenues, mais les marques de ces précédents coup de griffes rageurs sont maintenant emplies d’eau. Ainsi sont nés les océans, les fleuves et les rivières. Mais le grand corbeau, en volant par-dessus les mers, les collines, les forets, les vallées, se rend compte qu’il est la seule chose animée. D’où l’idée de peupler la terre d’être vivants. A commencer par l’homme, né d’une pierre sur laquelle le grand corbeau se pose. Grâce à ses pouvoirs, la matière s’anime, l’esprit la pénètre. Une première forme de vie. Un premier être, énorme, grisâtre et terriblement lourd, car en pierre. Le premier homme : rugueux, froid, et maladroit. Pas une grande réussite ! Mais le grand corbeau prend son essor et l’homme le suit pour ne pas rester seul. Le grand corbeau vole majestueusement par-dessus les collines et les vallées, et l’homme le suit tant bien que mal, jusqu’à un marécage où il sombre pour disparaître bientôt.

Le grand corbeau se pose sur une colline et en gratte la terre pour élever un tertre. Cette besogne achevée, il prend son essor et tournoie au-dessus en faisant trembler le sol à l’aide de son cri. Le tertre commence à s’ébouler et il n’en reste bientôt plus qu’une forme assez semblable à celle de l’homme de pierre. Le grand corbeau s’en approche en battant des ailes et le vent emplit les narines de l’être inanimé qui se met alors à respirer. Dans le même temps, l’esprit entre dans la nouvelle créature. L’homme ouvre les yeux, se lève, aperçoit le grand corbeau et contemple le reste de la création. Puis, il s’assoit, plutôt désemparé, ne sachant ni où aller, ni que faire. De nouveau, le grand corbeau conduit l’homme à travers les paysages, mettant à l’épreuve son aptitude à voyager. Et il comprend que cette seconde tentative est la bonne : il n’aura pas à en créer un autre. Mais l’homme ne peut rester le seul être vivant sur la terre. Le grand corbeau plonge dans une rivière et, quand il en ressort, l’homme s’émerveille de constater q’elle est désormais peuplée de poissons. Il survole la forêt en croissant et l’homme s’émerveille d’y découvrir des animaux. Il monte dans le ciel en lançant son cri et l’homme s’émerveille encore d’y apercevoir des nuées d’oiseaux. Mais à l’émerveillement succède l’épouvante, et l’homme tombe a terre, en larmes. Le grand corbeau lui demande pourquoi il se tourmente, et l’homme lui répond qu’il a peur, qu’il comprend qu’il est face à Dieu dont l’étendue des pouvoirs l’effraie. Le grand corbeau se veut rassurant. Il répond qu’il aime la vie, qu’il a créé l’homme et tout ce qui l’entoure pour que vive son œuvre. L’homme l’interroge :
‘’Qui suis-je ?
- Tu es Yupik, un vrai homme. Et tu es sur nuna, ma terre. Regarde toutes ces choses que je t’ai données. Rappelle-toi que tu as un esprit, comme tous les êtres vivants sur cette terre. Respecte ces esprits et ta vie sera heureuse. Maintenant, va chercher sur nuna ton art de vivre. Mais auparavant, suis la mouette blanche qui te conduira à ta compagne, la femme.’’

Ayant ainsi parlé, le grand corbeau s’élève et s’évanouit dans les cieux.