mardi 23 mars 2010

De Rose Lake à Whitehorse … via Mud Lake : il faut bien revenir …

3ème et dernière partie...


18 février.

Pas d’attaques de loups ! Au lever, tous les chiens sont là, en forme et prêts à partir. Les whisky jacks (oiseaux curieux, impertinents et peu farouches) se délectent des restes de soupe renversée par les chiens.




Rose Lake s’étire entre les sommets de la chaîne côtière sous un soleil radieux. Ce lac s’illustre par une faible épaisseur de glace.





Toute l’équipe s’affaire pour préparer les attelages. Il faut en effet partir vite pour profiter de la fraîcheur matinale et faire le gros de la montée avant que la chaleur ne dégrade la neige et n’épuise les chiens.









C’est enfin le départ. Nous laissons derrière nous les sommets qui vers le sud font la frontière entre le Yukon et la Colombie Britannique, et un peu plus à l’ouest, celle avec l’Alaska.


La montée nous ramène sur le plateau labouré par les caribous. A présent, la piste serpente entre les saules et les chiens font des sauts imprévisibles afin d’éviter de s’égratigner le ventre.





La pente est raide. Nous avons encore en nous le souvenir de la descente brutale de la veille. Quelques instants de repos permettent aux chiens de reprendre des forces. Les traîneaux sont lourds et les mushers exigeants. …C’est une vie de chiens !






Par endroit, la piste est étroite et les traîneaux frôlent les arbres à toute vitesse. Dans les virages, le travail des wheel dogs (les plus proches du traîneau) est important car ce sont eux qui évitent d’un coup de rein la collision avec un obstacle. Cependant ce n’est pas toujours aussi simple et dans un virage un peu sec et en descente, nos traineaux respectifs s’encastrent dans un buisson. A peine libéré et sous la traction puissante de l’attelage, le traîneau fait un bond difficile à contrôler et c’est la chute. Françoise a la bonne idée de le lâcher et s’en sort bien. Les chiens s’arrêtent auprès de Pierre quelques dizaines de mètres plus loin. Marc s’obstine à tenir l’engin tout en suivant à plat ventre. Le tout s’arrête quant ses côtes s’encastrent dans une souche cachée sous la neige. La douleur est vive et l’individu plié en deux à la recherche de son souffle. Mais il faut poursuivre notre chemin !



L’air se réchauffe et la neige devient collante. Les chiens fatiguent et les humains également. Il est temps de s’octroyer une pause et de consommer quelques barres de céréales dont on finit par se lasser. C’est aussi l’occasion de couper du bois pour reconstituer la réserve de Mud Lake, … ce qui n’arrange pas le poids des traîneaux et les côtes de Marc.







Au bord du chemin, des lagopèdes s’envolent. Quelques minutes plus tard retentissent des coups de feu. En effet, Matthieu avait pris un peu de retard et posé son fusil sur le traîneau (un Verney Carron « for ever » à canons superposés qu’Adrien lui a confié en attendant son retour). Suspens …

Quant à nos chiens, ils n’ont guère apprécié ce manège et dans l’énervement Tucker et Toupie en profitent pour cisailler des tug lines d’un coup de dents. Fort heureusement nous avions préparé pas mal de lignes de remplacement la veille au soir.

Matthieu nous rejoint enfin avec un grand sourire, apparemment pas bredouille.




Il est près de 16 h quand nous retrouvons Mud Lake et sa cabane 4 étoiles. Ne rêvons pas, il est hors de question d’aller plus loin aujourd’hui et d’atteindre la cabane à Vanier que nous ne pourrions rejoindre que tard dans la nuit. Les chiens sont épuisés. Il faut rapidement les nourrir et un nouveau départ ne serait envisageable que deux heures plus tard. Aussi, nous décidons de reprendre possession des lieux.



Matthieu nous dévoile son tableau de chasse. Il est fier… et nous aussi ! Les lagopèdes sont dépecés selon une technique extrêmement rapide et efficace. Il n’y a plus qu’à trancher les filets. Le tout est préparé avec une sauce au sirop d’érable. C’est digne d’un grand chef et notre abri se transforme en un restaurant étoilé au guide Michelin… La nuit aussi sera bien étoilée et très froide.







19 février.

Au petit matin, le mercure affiche -18°C. Pierre déboule dans la cabane, alors que nous sommes encore au fond de nos duvets. A sa démarche, nous comprenons qu’il n’a pas réussi à enfiler ses bottes : elles sont complètement gelées comme le reste de ses vêtements, du fait de l’humidité de la journée précédente. Il faut vite allumer le feu pour réchauffer (dégeler ?) notre guide. Matthieu dort encore profondément lorsque nous l’extirpons de son sommeil.






La journée s’annonce très ensoleillée et nous préparons notre départ. Alors que tout le monde est prêt, les chiens se mettent brutalement à hurler et nos regards se croisent chargés d’interrogations. Immédiatement les loups répondent: Ouuuuu ! ils semblent être très proches. Pierre saute sur le toit de la cabane et scrute méticuleusement les alentours. Il y a en effet à peine quelques semaines qu’il a sauvé in extremis le chien Eddy des dents d’un loup deux fois plus gros que lui, en le chassant à coups de pieds. Il est aussi conscient du fait que si toute une meute attaquait, cela pourrait tourner mal, même si la rumeur veut qu’ils ne s’en prennent qu’aux chiens…. Et sans chiens que deviendrions-nous ?

Finalement, nous ne les verrons pas, probablement cachés dans les fourrés voisins. Il faut partir vite. Les chiens sont très nerveux et le départ est fulgurant.




Quelques kilomètres plus loin, la tension se relâche et nous pouvons contempler Mud Lake une dernière fois avant qu’il ne disparaisse derrière un col. Nous faisons à présent route vers le nord pour rejoindre Fish Lake avec de belles montées en perspective avant de voir notre destination finale.



Nous croisons une colonie de plus de 20 motoneiges qui prennent le chemin en sens inverse. Après discussion avec les conducteurs, il s’avère que ce sont des Rangers du district qui partent en « séminaire » à Rose Lake. Les motoneiges et leurs remorques sont lourdement chargées (notamment de carburant) et les équipages peinent dans les fortes pentes. Les pistes sont endommagées par les chenilles, mais les croisements se font sans problème, dans la mesure où les motoneiges s’arrêtent dès qu’un traîneau arrive. Est-ce là une règle ou un gentleman agreement ?

Nos chiens profitent de ces pauses pour se rouler dans la neige car la température commence à grimper.


Nous ne verrons en revanche aucun animal ce jour là, ce qui ne veut pas dire qu’ils n’étaient pas au bord du chemin.

La piste se poursuit au travers de paysages magnifiques. Les sommets sont si nombreux que très peu portent un nom. Ibex Mountain est notre sommet préféré. Il nous fait penser à un ancien volcan, ce que nous avons pu vérifier sur Wikipedia.

Comme nous l’avons pratiqué tout au long de notre périple, Pierre ouvre la piste, suivi de Françoise puis de Marc et Matthieu ferme le convoi.









Arrivés au col, nous voyons apparaître Fish Lake et marquons une pause avant d’affronter la descente. La vue du lac mythique de Whitehorse est certes rassurante mais nous annonce aussi la fin de l’aventure …






La glisse sur le lac gelé est l’occasion de faire quelques photos de famille des attelages respectifs.






La traversée du lac de jour nous permet aussi de voir un des itinéraires qui permet d’accéder à la cabane à Vanier, ainsi que la piste qui mène aux Bonneville Lakes.



De retour chez Pierre, nous admirons sa cabane ainsi que sa nouvelle réalisation en rondins qui lui permettra d’accueillir prochainement des touristes. Et c’est autour d’une fondue savoyarde que nous clôturons notre expédition au Yukon, en compagnie de Wendy et d’un couple Belge qui s’apprête à partir pour la dixième fois avec Pierre et ses chiens qui n’ont plus de secret pour eux.









Merci à Pierre pour son professionnalisme, sa convivialité et son excellente connaissance du terrain.

Merci à Matthieu pour ses talents d’organisateur, de cuisinier et … de chasseur.

Merci à Polar, Cousteau, Mickey Mouse, Kluane, Reeko, Dancer, Tucker, Toupie, Skookum …Oumiak et tous les autres, pour leur courage, leur persévérance et leur affection.


Le Yukon ? Rude et grandiose à la fois !


Pour finir, et pour mieux suivre notre périple, … une carte couvrant la zone de Fish Lake à Rose Lake.


3 commentaires:

EB a dit…

...une parenthèse pour nous. La vie continue...

Anonyme a dit…

oui mais quels souvenirs... Momoduport

Tonton a dit…

Magnifique les photos et le texte. On a l'impression que les loups sont à 10 m... Pov's gelinottes, finir dans du sirop d'érable...