samedi 9 août 2008

La presqu'île de Kenai


Nous avons rencontré des personnages originaux au lac Tustunema :
L’un est un québécois qui vit seul avec son chien dans une grande tente en toile blanche deux pans avec armature extérieure et poêle, genre pionnier de la gold rush. Il est bien équipé : gros 4X4, grande remorque genre isotherme et 2° remorque pour son bateau à moteur. Il passe les hivers dans une cabane à un endroit différent à chaque fois ; l’hiver dernier c’était dans un village indien et cette année il envisage de trouver une cabane vers Haines Junction de façon à pouvoir aller à la chasse au bison. Il ne semble pas avoir eu de boulot ces dernières années.

Un américain assez jeune qui, à l’écouter, a tout fait et le commente longuement. Si vous passez près de sa petite tente, vous ne pouvez lui échapper et il faut vraiment faire un efforts important pour se décoller. Il a l’étonnante particularité de tirer des coups de fusil en l’air pour faire fuir les oiseaux dont le bruit le dérange. Au début nous pensions que la chasse était ouverte !
En Alaska, de nombreux services simples comme se garer sont payants même dans des endroits perdus, voir interdites avec de nombreux panneaux genre POSTED (avertissement - le long des propriétés privées) avec des amendes importantes pour sanctionner les contrevenants. Par exemple un gardien de camping a averti Matthieu que cela faisait la deuxième fois qu’il voyait Oumiack en liberté et que l’amende prévue pour cet acte était de 1500$ et que la prochaine fois il appellerait la police. Par contre on rencontre pas mal de gens armés qui vont à la pêche avec fusils à pompe, revolver ou pistolets divers. Les ours n’expliquent pas tout, un bear spray est suffisant !

Toujours dans les considérations générales, Jacques est stupéfait par les petites villes que nous avons rencontrées pour l’instant, qui rassemblent assez aux zones commerciales de chez nous en plus verdoyant mais aussi plus étendu avec surtout un aspect beaucoup moins clean. On a jamais l’impression d’être « en ville », mais parfois dans un bois avec quelques maisons/ activités isolées comme à Tok ou dans une espèce de zone commerciale comme Valdez, Whitehorse et de nombreuses autres villes que l’on peut considérer comme importantes. Tout au plus Whitehorse, capitale du Yukon avec 25000ha comporte une ou deux rues dignes de ce nom, par contre tous les services et activités sont présents.

Mercredi 30 juillet
En direction d’Homer on passe près de Clam Gulch, puis on s’arrête à Ninilchick, ancien village russe (l’Alaska a été rachetée à la Russie par les USA – « Dernière Frontière ») qui comporte une église orthodoxe avec des offices réguliers.
Au centre du village il y a une station de nettoyage de clams dans laquelle des personnes nettoient de grands seaux de razor clams. Nous les voyons déjà dans nos assiettes ce soir, aussi nous lançons nous dans une ballade sur la plage à le recherche des dits clams. La marée n’est pas bonne et/ou nous n’avons pas le bon emplacement, aussi nous rentrons bredouilles. Sur la plage nous voyons des enfants indiens qui ont tendu un filet près de l’embouchure de la rivière et se livrent à une pêche au saumon dite « de subsistance ». Les indiens, en tant que native people ont semble t’il des droits particuliers en ce qui concerne le pêche et la chasse. Une belle carcasse de king sur la plage...
Arrivée à Homer, nous allons sur la presqu’île qui est une véritable usine à touristes avec charters de pêche en légions, nombreux RV parks avec des camping cars tous plus importants les uns que les autres – le camping car standard est de la taille d’un bus genre 40 places et il s’élargit sur les côtés pour le soir, il y a souvent une remorque à bateau derrière et un 4X4 voire un pick-up en guise de deuxième remorque- , grande marina, boutiques de souvenirs… le tout sur une presqu’île presque sans arbres. Le seul endroit un peu sympa est un bar dont les 100m² de plafond, les murs aussi sont couverts de billets de 1$ dédicacés par ceux qui les ont laissés là, une véritable fortune. Notons aussi un bon nombre de soutien gorges et quelques culottes... Les fins de soirées doivent être assez toniques semble t'il. Nous n'aurons malheureusement pas le temps d'essayer... il y a déjà tellement à faire !


Nous plantons la tente sur la plage, un peu près de la laisse de haute mer de la nuit dernière selon Jacques (les coefficients des marées augmentent !) et nous allons faire un tour pour réserver un charter de pêche au halibut (flétan). En route nous remarquons un petit « étang » d’eau salée alimenté par la mer en marée haute et qui regorge de saumons coho mais aussi de pêcheurs sur ses bords. Ces derniers n’attrapent pas grand chose et il est interdit d’harponner les poissons… mais les seules prises que nous voyons sont des poissons harponnés près de la bouche, il y a des gens doués ! Nous nous promettons de revenir tenter notre chance et ainsi peut être déguster du coho alosr que ce n’est pas encore la saison en rivière. Par contre la présence de saumon qui remontent dans ce petit bassin d’eau salée est surprenante, un pêcheur nous explique que la ville d’Homer lâche chaque année quelques milliers de smolts dans de bassin et ils semblent revenir d’eux même. Par contre les poisson semblent désorientés et logiquement ils ne peuvent se reproduire en eau salée, nous nous demandons ce que les survivants, s’il y en a, deviennent : mortalité comme leurs congénères en eau douce ? retour en mer pour remonter l’année suivante ?
Les charters de pêche sont assez chers et tous interconnectés pour remplir leurs bateaux, les personnes qui nous renseignent sont des étudiantes qui ne connaissent rien à la pêche et semblent être en emploi vacances. Nous décidons de retourner en arrière vers Anchor Bay pour sortir de la foule et trouver des entreprises plus familiales. Nous trouvons rapidement un guide en train de préparer des lignes et le combo (saumon + halibut) est au prix du halibut seul à Homer, cela reste cher (250$/ personne) mais c’est un peu mieux. Il nous promet d’assez bonne prises malgré le fait que ces quelques jours ne sont pas très favorables. Affaire conclue pour vendredi et nous décidons de prendre des timbres spéciaux pour pêcher le saumon king.
Pour finir la journée, nous décidons d’aller à l’accès public à la plage de Anchor Bay pour récupérer quelques clams pour le repas du soir. Pas de clams mais une grande ballade au soleil couchant sur la plage. Après le repas pris à la tente, nous partons tenter notre chance dans le bassin à saumons, sans succès. Au retour au camping, la plupart de nos voisins ont allumé un feu de camp pour profiter de cette belle soirée. La marée monte et se rapproche dangereusement de la tente qui est la plus près de la mer, nous nous couchons alors que les vagues se cassent à 4/5 m de la tente, à moins d’un mètre d’altitude. Matthieu qui a insisté pour cet emplacement en sable bien plat pense que nous n’aurons que quelques embruns… Nous nous endormons bercés par le bruit des vagues.

Jeudi 31 juillet
La tente n’a pas subi l’assaut des vagues, il s’en est fallu de 2m de long et 50cm de dénivelé , Matthieu très sur de lui la veille n’a cependant dormi que d’un œil à l’écoute d’éventuels embruns qui auraient motivé un déplacement d’urgence.
Lever de bonne heure d’Adrien et Jacques pour tenter à nouveau notre chance dans l’étang à coho sans succès. Du coup Jacques cueille 4l de moules sur l’estran pour le repas de midi. Matthieu qui avait fait la grasse matinée part à la pêche et revient avec un beau coho de 6 livres, enfin nous allons pouvoir goûter ce saumon. Fresh seafood ce midi. Nous plions la tente pour retourner vers Anchor Bay car vendredi nous avons rendez vous à 5h30 pour notre partie de pêche. Nouvelle expédition clams vers l’embouchure de Deep Creek sans plus de succès, il faut vraiment la bonne marée et connaître les « coins », on nous conseille un charter mais nous ne tenons pas à ce point aux clams, les moules sont meilleures ! Même sans vin blanc, au grand damn de Matthieu.De retour à Anchor Point, nous voyons la montée d’un charter de pêche sur une remorque à l’arrière d’un tracteur dans une mer agitée : mouvementé et impressionnant, les vagues recouvrent par moments la roue arrière du tracteur. Des paquets de houle se déversent sur le pilote du bateau comme sur les deux occupants du tracteur dont l’un ira à l’eau entre les deux véhicules pour accrocher le bateau. Travail dangereux s’il en fut dans cette mer. Il faut deux essais au pilote du bateau pour monter sur la remorque, il doit prendre de l’élan dans des creux qui atteignent 1,5 à 2m et inverser le moteur juste avant de toucher la remorque de façon à limiter le choc. Sportif, nous verrons cela demain !
En soirée Jacques va pêcher vers l’estuaire à marée basse et il a la surprise toucher un poisson plat, à la cuiller, en eau douce - un flet d’après Adrien. C’est le début de la remontée des cohos et un pêcheur en a pris deux. Nous tenterons notre chance demain peut être.


Très beau coucher de soleil en soirée.


Vendredi 1° Août
Matthieu est le seul à entendre le réveil, comme quoi il n’a le sommeil lourd que quand il veut. Il est plutôt grasse matinée d’habitude et il lui faut bien 1h pour émerger de son duvet douillet. Comme quoi la motivation…
Nous montons dans le bateau directement à la base à terre. Le tracteur que nous avions vu en action la veille nous met à l’eau ce qui permet à Adrien en Matthieu de prendre un bon paquet de mer qui se glisse jusque dans la cabine du bateau. Le pilote n’est pas ému, prendre un bain au départ ou à l’arrivée semble plutôt courant.
Nous attaquons par la pêche au saumon avec de harengs à la traîne. Quelques touches de petits poissons puis la dame du couple qui nous accompagne prend un sokeye de 6 livres. Adrien sort un king de 18 livres. Et quel beau sourire sur la photo !


Nous passons ensuite à la zone halibut, car ils mordent plutôt à l’étale, enfin, c’est plus facile de la pêcher à ce moment car la marée fait moins dériver le bateau. Par 30m de fond nous pêchons facilement notre quota de deux halibut par personne et ne retenons que ceux de plus de 20 livres, nous n’en sortirons pas de grosse taille. Adrien bataille longtemps avec un spécimen lourd au point qu’il posera la canne sur le bord du bateau et n’aura plus la force de pomper pour ramener ce poisson qui finalement se décrochera. C’est vraiment une pêche très physique et la forme des hameçons est surprenante tout comme la façon de pêcher : à l’appat (gros harengs, têtes de saumons) il faut bien laisser mordre te procéder ensuite comme au tir à la corde sans vraiment ferrer ; plus le poisson tire, plus on tire… Ensuite il faut treuiller, pomper, treuiller… les cannes ne plient presque pas mais au bout du deuxième poisson de vingt livres, il vous faut une pause. Les touches se succèdent rapidement et nous sortirons 5 à 7 poissons chacun dont le plus gros fera 25 livres. A titre de comparaison le record du site pour l’année est de 340 livres, nous n’aurons pas eu d’émotions fortes mais aussi que faire de tout ce poisson. Il paraît que certains guides les rachètent, ce qui paye la sortie en mer. Nous n’aurons pas cette chance. A l’étale notre guide nous propose une autre forme de pêche : une grosse cuiller ondulante de près de 200g avec un bout de queue de maquereau sur le triple pour l’odeur. Démonstration de dandine verticale par 30m de fond, en moins d’une minute un halibut a mordu. Nous essayons sans trop de succès au début, il y a vraiment un coup de main.
Retour sur le spot saumon avant de rentrer. La seule prise notable est faite par Matthieu avec un king de 10 livres qui lui paraît être une sardine à comparer des récents halibuts amis le combat est plus tonique.
Retour vers la plage, le vent s’est levé et la mer et bien formée. Adrien veille les baleines et otaries mais il rentre bien vite après quelques embruns. A pleine vitesse nous rebondissons largement, il faut nous accrocher, ambiance genre montagnes russes avec des rebonds inopinés. La plage arrière du bateau reçoit des embruns et parfois des paquets de mer. Nous apprécions la cabine ! Retour sur la plage vers 15h où notre guide malgré des creux de 1,5m arrivera à viser la remorque du tracteur du premier coup.
Tableau de pêche classique à l'arrivée puis belle démonstration de filetage à l’arrivée, il n’y a que très peu de pertes. Nous remplissons notre glacière avec près de 40kg de filets et 4 packs de glace. Le tout sera ramené dès demain à Whitehorse pour congélation de façon à assurer les vivres d’hiver de Matthieu et Adrien.
Nous somme contents après cette bonne journée de pêche pleine de soleil. Nous avons bronzé.
Retour au camp ou Jacques décide de retourner à la pêche vers l’estuaire pour tenter une dernière fois de prendre un saumon sur la célèbre presqu’île de Kenai alors que les autres décident d’une sieste. A près quelques coups de cuiller dans la rivière et des décrochages de petits poissons, il touche une grosse pièce qu’il a du mal à contrôler et qui dévale le courant. Ce gros saumon tout rouge est harponné par la queue et dévale le courant. Par chance il dérive vers la berge et Jacques peut le rattraper et mettre sur la berge ce qu’il pense être un gros sockeye au vu de la couleur très rouge de sa robe. Retour triomphant au camping où les plus jeunes sont incrédules et annoncent que c’est un king. Eh oui ! le king rougit lorsqu’il mature, à contrario des poissons que nous avons pris en mer aujourd’hui qui ont une belle robe argentée. A la décharge de jacques, il n’a jamais vu de sockeye avant et n’a aucune idée de la couleur et de la taille moyenne de ces poissons. De plus nous sommes le premier août, la pêche au king était ouverte en rivière jusqu’au 31 juillet… En plus la lecture plus détaillée du guide assez complexes des règles de pêche de cette zone de l’Alaska qui varie de rivière en rivière et avec des tailles, des espèces, des dates et des modes de pêche différents à chaque endroit nous indiquera que l’utilisation d’une cuiller n’était pas autorisée à cette période de l’année à cet endroit. Tout faux quoi ! Mais le poisson est déjà mort, il sera donc fileté et rejoindra les autres dans la glacière.
An menu du soir ce sera dégustation d’un bout de chacun des 3 kings du jour, celui d’Adrien a la chair blanche, celui de Matthieu a une belle chair rouge et celui de Jacques est rose. Tous sont très bons mais la dégustation nous donne dans l’ordre : le blanc, le rouge puis le maturant en dernier. Celui d’Adrien est vraiment excellent avec une chair très moelleuse et très tendre, avec un peu de sel et de beurre cela suffit. D’après Matthieu cela n’égale cependant la saveur de crevette du saumon qui avait été pris dans le fleuve Yukon il y a deux ans.

Scène "à la corse", il faut dire que la journée a été particulièrement longue et nous finissons la soirée sur le banc devant notre feu de camp.


Samedi 2 août
Départ de bonne heure pour un retour rapide à Whitehorse : 1500km pour 20h environ sans arrêter le moteur compte tenu de l’état très variable des routes et de la limitation de vitesse à 90km/h au maximum.
Sur notre route nous avons droit au défilés de tous les canidés d’Alaska : loup puis renard et enfin coyote. Voir un loup en cette saison est tout à fait exceptionnel paraît-il.
Un des glaciers croisés sur notre route... ce n'est que la langue terminale d'un ensemble bien plus grand. En fait les 1500km de route sont motivés par le contournement d'une importante chaine de montagnes couverte de glaciers.Lors du dernier relais Jacques prendra le volant avec le soleil couchant dans le dos et arrivera à Whitehorse avec le jour qui se lève en face de lui 2h30 ensuite. Il n’a donc pas fermé l’œil de la nuit , heureusement d’ailleurs sinon les « bumps » (fréquents dos d’ânes des routes du lieu) auraient été bien moins négociés. Par contre nous n’aurons eu droit à aucune aurore boréale ce qui aurait été possible à cette époque selon Matthieu.
Congélation puis douche à l’arrivée à Icy Waters et enfin repos bien mérité.

Dimanche 3 août
Le lendemain matin est consacré au blog… il y a du boulot ! Puis petite visite à la passe à saumon de Whitehorse. Les kings ont déjà fait près de 3000 Km lorsqu’ils arrivent à Whitehorse. Il y a en effet un barrage hydroélectrique qui a provoqué la construction de l’échelle à poissons en bois la plus grande du monde. Jugez plutôt et vous n'en voyez même pas la moitié sur la photo ci dessous !
Les remontées de saumon sont en forte baisse depuis deux ans et ils attendent encore une chute cette année. On ne sait pas bien pourquoi, surpêche ? réchauffement climatique ? mais aussi une prise accidentelle de 100000 saumons dans l’estuaire du Yukon qui ont tous été rejetés à la mer… morts.
Une écloserie proche soutient la population en produisant des alevins qui sont relâches dans des affluents du Yukon en amont du barrage et dévalent en traversant les turbines de la centrale ! La mortalité n’est estimée qu’a 30%, cela semble faible pour un passage dans un véritable broyeur…
Soirée tranquille et demain en route pour Haines pour une petite semaine de vraie pêche du saumon à la mouche. Kenai nous a beaucoup déçus du point de vue de la pêche du saumon en rivière.

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